Je dois vous confier quelque chose. J’ai été une junkie des dramas japonais. Alors oui, je vous l’accorde il y a bien, bien pire comme addiction, mais ça fait quand même partie d’une phase assez obscure de ma vie (mon année de seconde) où je regardais tellement de dramas et d’animes romantiques que dans le brouhaha, je croyais entendre les gens parler japonais. Je ne dormais quasiment pas, puisque je regardais des dramas toute la nuit jusqu’à 4h du matin, et programmais mon réveil deux heures plus tard pour pouvoir continuer à utiliser l’ordinateur portable de mes parents à l’aube, avant que toute la maisonnée ne se réveille. Une fois décrochée de mon écran de force par ma famille, c’était la déprime : je n’attendais que le moment où je pourrais retourner à mes dramas, emprisonnée dans une sorte de torpeur assommante, comme un zombie. La fin d’une série était peut être le plus dur à vivre. Il m’arrivait de pleurer pendant des heures : pour atténuer mon chagrin, le seul moyen était d’en trouver une autre. Quand j’ai réussi à confronter mon problème, j’ai décidé de me purger et d’arrêter totalement mon visionnage de dramas, du jour au lendemain. Par la suite, j’ai découvert les séries américaines et anglaises qui m’ont définitivement détachée de tout ça, et qui m’ont plongée dans une consommation de fictions plus raisonnée et raisonnable (mais toujours passionnée). Pourtant, il y a quelques mois, j’ai entendu dire que les dramas allaient débarquer sur Netflix, et c’était comme si mon sombre passé me revenait en pleine face. Au début, je n’ai pas trop vu passer ces productions, peu mises en avant sur la page d’accueil de mon compte Netflix, et je me suis dit que j’allais tout simplement faire comme si elles n’existaient pas, pour me préserver. Et puis un beau samedi matin, l’aperçu du drama Good Morning Call était en première page, en énorme sur ma télé, et j’ai craqué.
Good Morning Call n’est pas le seul drama sur Netflix, et pas non plus un des premiers. J’ai entendu parler d’Hibana : Spark, un drama sur les shows humoristiques japonais qui a même eu le droit à son article sur 20 minutes, mais dont je n’ai découvert l’existence qu’en faisant des recherches pour cet article, et j’avais fait une tentative de visionnage d’Atelier, une sorte de « diable s’habille en Prada » dans le monde de la lingerie, que j’avais trouvé soporifique. J’avais aussi regardé en entier Drama World, une mini-série assez sympa qui suit une drama-addict projetée dans le monde de son drama préféré. Pas vraiment de quoi s’extasier : on sent que le budget était limité et les épisodes très courts ne permettaient pas de gros développements, cela dit c’est un hommage affectueux aux dramas coréens, et je pense qu’il pourrait plaire aux amateurs du genre qui s’identifieront sans problème à l’héroïne. Faute de pouvoir vous faire de vraies critiques de ces derniers, c’est sur Good Morning Call que je vais me pencher, puisque je viens de terminer les 16 épisodes (d'environ 40 minutes chacun) qui constituent l’entièreté de la série.
Il est assez difficile d’écrire cette critique, non pas parce que je n’ai rien à dire, mais surtout à cause de ma relation très ambiguë avec les dramas. D’un côté, il m’est très difficile d’en énumérer les qualités, car de manière objective, je les trouve souvent assez mauvais ; pourtant j’ai une affection presque mystique pour ce genre de fictions qui me prennent au cœur et aux tripes, me font rire et me font pleurer, et auxquelles je m’attache extrêmement facilement. Je ne peux pas critiquer un drama comme je critique une série, un manga ou un roman, car je n’ai pas la même manière de les regarder. Je crois que c’est parce que les dramas sont pour moi la définition même du plaisir coupable : je sais pertinemment que c’est nul, et pourtant, j’adore, de manière totalement ingénue.
La série est adaptée d’un manga éponyme que je ne connaissais ni d’Ève ni d’Adam avant de voir son titre sur ma page d’accueil Netflix. Dans le générique, on a même droit à quelques dessins des personnages originaux, ce que je trouve assez sympa (même si la ressemblance est ultra lointaine donc ça fait un peu bizarre). Mais sinon, je ne serais pas capable de juger de la qualité de l’adaptation, et j’espère que vous ne m’en tiendrez pas rigueur.
Le plot n’est pas des plus complexes, ni des plus originaux, il tient d’ailleurs en une phrase :
Nao, jeune lycéenne de 17 ans, s’apprête à emménager seule, et victime d’une arnaque, est contrainte de vivre en colocation avec Uehara, le beau gosse du lycée.
Dès le départ, je ne suis pas dépaysée car tous les codes sont là, à ce stade c’est même un archétype. Si vous voulez savoir à quoi ressemble un drama de romance typique, vous avez le parfait exemple, avec tous ses défauts, mais aussi tout ce qui fait son charme. Alors d’emblée on est frappé de stupeur quant au manque de crédibilité de l’histoire et des personnages, clichés à la limite de la caricature : L’héroïne est maladroite et étourdie, on le sait parce qu’elle perd l’équilibre, même debout à l’arrêt, qu’elle gesticule dans tous les sens comme si elle était possédée (perso je vois quelqu’un se comporter comme ça dans la rue, je flippe), et alors autant on a aucun mal à comprendre ce qui la rend attachante, autant il est beaucoup plus difficile pour moi d’admettre en quoi Uehara le « beau gosse » de service et love interest du héros, peut l’être. J’en ai vu des dramas à beaux gosses froids et distants, mais alors celui-ci gagne la palme du pire connard haut la main. Entre son air hautain, méprisant, son manque d’empathie et la manière atroce avec laquelle il traite notre héroïne (qui certes, n’a pas inventé le fil à couper le beurre comme dirait ma maman, mais a clairement un bon fond) ne m’attire absolument aucune sympathie, et m’a fait pousser de longs soupirs d’agacement tout au long de mon visionnage. M’ENFIN. Comme dans tout drama de romance il ne manque pas une occasion de nous montrer ses sentiments enfouis, son cœur tendre malgré son masque de glace, parce que vous comprenez, quand même, ses parents sont morts dans un accident de voiture quand il était petit, ce qui explique son côté emo.
Autre chose très peu crédible, c’est cette histoire d’appartement qui est la base de tout le drama. Pour la faire courte, Uehara et Nao ont tous les deux signé pour le même appartement et l’agence immobilière qui leur a fait le coup a fermé ses portes. Autrement dit, ils sont coincés avec un appartement qui fait le double du loyer annoncé et aucun d’eux n’a les moyens de payer, du coup, ils décident de vivre ensemble et de payer à deux en attendant de trouver une meilleure solution.
Alors *racontage de life on* je ne sais pas pour vous mais moi je suis étudiante en région parisienne et les logements c’est tout un problème : tu as le choix entre la chambre de bonne au 8e étage sans ascenseur d’un immeuble haussmanien avec les toilettes à l’extérieur, une chambre universitaire avec cuisine et salle de bain commune où il n’y a littéralement la place que pour un lit et un bureau, ou un appartement d’une superficie correcte que tu partage avec 5 autres personnes pour espérer payer un loyer abordable. Et même comme ça, tu as intérêt à toucher des aides et compter sur l’âme charitable de tes parents (ou les deux) parce que ça reste CHER. *Racontage de life off* Tout ça pour dire que quand j’ai vu la gueule dans l’appartement dans lequel emménage Nao dans le premier épisode, ma mâchoire s’est décrochée et mes sourcils se sont tellement froncés que je pense qu’ils laisseront à tout jamais des rides que je suis bien trop jeune pour avoir.C’EST QUOI. CET APPARTEMENT. DE FOU. Alors okay, c’est peut être une petite ville, et on est au Japon, pas à Paris, mais sérieusement c’est une LYCÉENNE. Pourquoi avoir un appartement si grand pour elle seule ? Pourquoi deux chambres ? Pourquoi un salon si grand ? À quel moment elle s’est dit « oh bah 500 euros de loyer c’est cool ça, bonne affaire ! » ? Et ne me faites pas croire que c’est parce qu’elle est étourdie, Uehara est censé être brillant, et même le meilleur élève du lycée, et il a fait exactement la même erreur ! Non, juste non. Personne ne peut être stupide à ce point.
Enfin, s’ils n’avaient pas été si crédules il n’y aurait pas eu d’histoire, donc on est bien obligés de passer là-dessus. Après, je comprend bien pourquoi ils ont fait le choix d’un tel décor, ne soyons pas de mauvaise foi, cela se justifie très bien : Déjà, il s’agit du principal décor de la série. Quasiment toutes les scènes s’y déroulent, il paraissait donc important d’avoir un espace grand, lumineux avec plusieurs angles intéressants à filmer et assez variés pour ne pas lasser le spectateur. De même, les deux chambres placées côte à côte avec les portes vraiment conjointes, face au salon, sont utilisées pour du comique de situation et pour mettre en scène les différentes confrontations des personnages. C’est peut être un peu simpliste mais intéressant et agréable à regarder, car tout à été composé un peu comme un décor de théâtre. Du décor de théâtre, on retrouve d’ailleurs ces magnifiques fausses fenêtres, qui tromperaient un aveugle.Admirez-moi ce magnifique paysage de... papier calque collé sur du carton... ?
Du coup je ne sais pas du tout quel budget Netflix a investi pour ce drama mais il devait pas être très élevé, car de manière générale on ressent un gros côté cheap dans à peu près tout ce qu’on voit. L’appartement lui-même, même si il est plutôt joli et que je trouve la déco est bien sympa (et aurait parfaitement sa place dans mon tableau “déco” sur Pinterest), on a quand même la sensation que tout est en plastique. Un truc très drama-esque qui personnellement me fait rire : les transitions et effets visuels chelou.
Pour moi les bonnes transitions dans tout ce qui est audiovisuel, ce sont celles qui ne se voient pas. Les fondus kitsch avec des formes bizarres (coucou Georges Lucas), c’est pas mon truc. Mais alors là c’est quand même une des pires transitions que j’ai jamais vu : la transition : « petite abeille qui emporte l’image », mal animé de préférence avec quelques à-coups, pour rendre le truc encore plus cheap. Mais attention c’est déjà trop sobre niveau montage, pourquoi ne pas accompagner tout cela d’un bruit cristallin, pour bien faire comprendre au spectateur qu’on est en train de changer de scène !Un grand moment de montage
On a aussi un festival d’effets visuels comme rosir les joues des personnages pour faire comprendre qu’ils rougissent, ou des effets sonores pour amplifier leurs émotions ou leurs mouvements… Tout cela de la manière la plus artificielle possible.
Pour ceux qui n’y sont pas accoutumés, je tiens quand même à préciser que les dramas « mimiquent » souvent les mangas qu’ils adaptent, cherchant à reproduire les mêmes effets visuels. Transitions, effets spéciaux, angles particuliers de caméras et mise en scène comiques en sont directement issus, ce sont simplement des tentatives de se rapprocher de son matériel de base. Alors autant, dans les animes, ça fonctionne parce qu’on a toujours à faire à du dessin, autant là avec de vraies images et de vrais acteurs (oui bon, et de fausses fenêtres, okay), ça ne marche pas. Et pourtant ce sont des codes extrêmement récurrents ! Je ne peux tenter de justifier cela que par le fait que ça fait partie du charme du drama. Car que vaudrait un drama japonais réalisé par David Fincher, je vous le demande ? Personnellement je le prend avec énormément de recul et cela me fait beaucoup rire. Je ne vous cache pas que j’ai failli m’étouffer avec mon jus d’orange à la première transition « abeille », tellement j’ai ri (oui le moins qu’on puisse dire c’est que le visionnage de Good Morning Call a provoqué beaucoup de réactions chez moi).
Pour ne rien gâcher à mon hilarité, les acteurs sont vraiment très mauvais, surtout l’interprète d’Uehara qui joue le mec blasé sans doute en pensant à ce qu’il va manger au dîner, parce que son regard est vide comme un gouffre sans fond. Remarque, heureusement qu’il joue un personnage taciturne parce que dès qu’il ouvre la bouche, on demande si le jeune homme ne se serait pas trompé de vocation, et si il n’aurait pas mieux valu qu’il se lance dans une carrière de mannequin pour perruque de cosplay. Du coup, quand le drama essaie de nous faire comprendre avec des très - trop - longs plans sur son visage que Uehara est jaloux, en colère, ou simplement qu’il réfléchi, on a juste l’impression qu’il se fait chier, assis sur son canapé, et on peut lui attribuer à peu près toutes les pensées qu’on veut puisque de toute façon son jeu n’exprime RIEN.
"Je me demande ce que Ganon est en train de faire..."
L’héroïne s’en sort mieux ce qui est d’ailleurs étonnant vu ce qu’on lui demande de jouer ; j’imagine bien la ligne du script dans certains moments où elle est censée rêver de son mariage avec Uehara : « Nao ferme les yeux et fait mine d’embrasser le vide en dodelinant sa tête de droite à gauche, les mains jointes et en poussant des gémissements d’enthousiasme ». Car c’est exactement ce qu’il se passe dans certaines scènes. Et c’est gênant. Mais finalement c’est assez représentatif de ce qui se passe dans la tête de quelqu’un d’amoureux (dans la mienne en tout cas), du coup, je trouve ça assez marrant.
Ne vous méprenez pas, je ne suis pas une adepte des comédies romantiques et autres drames niaiseux, même si j’ai eu ma période de lecture assidue de shôjos. Pourtant, les dramas me parlent assez niveau romantisme. Peut être même plus que les romances à l’américaine, car dans les séries et les films que j’ai l’habitude de regarder, les histoires d’amour me laissent assez de glace. Les dramas sont les seuls à me toucher de cette manière là, quelle que soit leur qualité. Je dois avouer que c’est une impression assez mystérieuse qu’il m’est difficile d’expliquer. C’est bizarre parce que quand les personnages ont des contacts amoureux dans Good Morning Call, le niveau de sensualité est égal à zéro, c’est bien simple on l’impression d’assister au rapprochement de deux huîtres (fermées), ce qui est d’autant plus surprenant qu’en faisant mes recherches j’ai découvert que les deux acteurs principaux étaient en couple dans la vraie vie. Mais… Ils n’ont aucune alchimie dans la série, comment est-ce possible ? Enfin bref, si on devait compter uniquement sur les images qui dépeignent le couple, on resterait vite sur sa faim. Pourtant – et c’est quelque chose qui m’a toujours fascinée dans les dramas – La succession d’événements, même si elle est assez prévisible, est mise en scène d’une manière légère et poétique qui transcendent les sentiments amoureux et les rapports entre les personnages. Je déteste Uehara, mais je comprend parfaitement en quoi il est touchant qu’un personnage habituellement froid et peu démonstratif exprime ses sentiments et ses tourments intérieurs de manière détournée. Je pourrais citer comme exemple l’histoire du riz au lait ; Uehara et Nao adorent tous les deux ce dessert, qui devient une sorte de déclaration mutuelle d’amour entre eux. Au début il s’agit d’un élément conflictuel puisqu’ils se piquent leurs desserts l’un l’autre, puis ils le partagent ensemble, et finalement, s’en offrent mutuellement comme signe d’affection. Uehara ne dit jamais « je t’aime », mais il glisse du riz au lait dans leur frigo commun comme signe d’affection. C’est le genre de chose que je trouve très subtile et très intéressante à observer dans un drama, non seulement parce qu’il représente symboliquement l’évolution de la relation des personnages, mais aussi parce que sans inclure des contacts physiques, il suggère l’expression des sentiments amoureux dans leur état le plus pur, à l’inverse des romances occidentales où l’amour s’exprime par des baisers ou des coucheries.Là où c’est réellement fascinant à analyser, c’est qu’en effet, les deux acteurs principaux ne sont pas de très bons acteurs, il n’y a aucune alchimie entre eux, et pourtant c’est par des jeux de mise en scène très détournés qu’on parvient, malgré tout, à nous faire comprendre que ces deux personnages s’aiment. Et personnellement, malgré tous ces moments où je me moquais franchement du ridicule du jeu d’acteur, des effets visuels ou des décors en carton, j’ai été touchée par l’histoire des deux personnages et des émotions que le drama dégageait.
C’est là toute l'ambiguïté que j’entretiens avec ce genre, cher à mon cœur. Il y a une sorte de sincérité derrière la maladresse qui me touche, bien malgré moi.
Alors c’est bien beau tout ça, j’ai expliqué en quoi Good Morning Call correspondait à l’archétype du drama de romance et comment je m’y retrouvais par rapport à mon expérience personnelle, mais qu’en est-il si on le compare à d’autres dramas ? Et qu’en déduire ?
Je dois l’admettre, la qualité de Good Morning Call est en deçà de la plupart des dramas que j’ai vu. Déjà, le jeu d’acteur laisse vraiment à désirer, car même si le sur-jeu ou le sous-jeu sont assez habituels dans les dramas japonais, ici s’en est carrément gênant puisqu’il m’est arrivé d’exploser de rire à des moments totalement inappropriés. Ensuite, je trouve qu’il y a vraiment un gros manque d’intrigues secondaires. Dans Good Morning Call l’histoire d’amour entre Uehara est Nao est la seule chose que l’on vous donnera, entrecoupées de quelques scénettes à but humoristique. On montre très peu les personnages dans leur lycée et quand c’est le cas, c’est uniquement pour développer l’histoire d’amour : Nao n’a pas d’activités extra-scolaires, elle n’est pas membre d’un club, n’a pas de passion… Le seul qu’on voit avoir une activité au lycée, c’est son meilleur ami d’enfance Daichi qui est président du club de football, mais on ne le voit jamais vraiment exercer cette activité. On apprend vers la fin de la série qu’Uehara est passionné d’informatique, et on le voit parfois jouer aux jeux vidéo, mais c’est tellement anecdotique qu’on ne peut pas vraiment appeler ça une activité… Je trouve ça assez problématique d’avoir 16 épisodes de 40 minutes sur rien qu’une histoire d’amour, car c’est très vite lassant et aplati beaucoup les personnages. Je peux comprendre qu’il s’agisse de lycéens et qu’à cet âge les problèmes rencontrés soient très réduits, mais dans Hanazakari no Kimitachi e par exemple, drama que j’aime beaucoup, on a quand même des intrigues sportives, ou relatives à la vie au pensionnat… Ici rien de tel, on a vraiment une impression de vide intersidéral autour de l’intrigue principale. C’est aussi le cas des personnages secondaires qui sont très peu exploités : l’histoire d’amour des meilleurs amis de Nao aurait pu être une bonne alternative à celle d’Uehara et Nao, proposant une vision plus nuancée, basée sur l’amitié… Mais non, ils n’ont le droit qu’à une poignée de scènes dans toute la série, et aucune intrigue réelle. Les autres prétendants de Nao sont eux aussi réduits à de simples outils narratifs sans personnalité, utilisés uniquement au profit de l’histoire principale. C’est même très frustrant pour le personnage de Kitaura que je trouvais intéressante et qui avait vraiment la classe, mais qui, comme les autres personnages secondaires, n’est pas vraiment traitée en tant que personnage.
En conclusion, à l’image des fausses fenêtres de l’appartement d’Uehara et Nao, on n’a pas la sensation que les personnages et l’univers se poursuivent en dehors de la série. Cela pourrait juste être un détail qui n’encombre pas l’intrigue principale sur laquelle le réalisateur semble vouloir s’être concentré, mais malheureusement le drama en pâtit en entier puisqu’un triangle amoureux ne peut pas fonctionner si ses trois membres ne sont pas traités avec le même soin, aussi, la mauvaise exploitation des prétendants de Nao diminue beaucoup l’impact de l’histoire amoureuse entre elle et Uehara qui ne semblent pas être confrontés à des obstacles vraiment conséquents.
Voilà pour les vrais défauts que je peux énumérer concernant le drama. Maintenant, je souhaiterais aborder un autre élément qui ne paraît pas forcément être un défaut, mais que je trouve extrêmement problématique. Je vais peut être passer pour une Social Justice Warrior, et je le suis probablement, mais pour moi la relation entre Uehara et Nao a tout d’une relation toxique, et le fait de nous la présenter comme une super histoire d’amour trop romantique, ça me noue la gorge.
"Ben quoi ? Oui je mange tout le riz au lait sans lui laisser une seule part, mais au fond de moi je l'aime beaucoup..."
Certes, les scènes romantiques sont empreintes d’une certaine poésie et je les trouve émouvantes, mais avec un minimum de recul par rapport à la romance qui nous est présentée, on se rend compte du déséquilibre énorme dans la relation. Il est aisé de faire le rapprochement avec le livre et film Fifty Shades of Grey (oui je sais, grosse référence), qui sous couvert d’exprimer le fantasme du riche milliardaire dominateur et viril, dressait une relation abusive qui frôlait la maltraitance morale et physique. Je trouve ça vraiment problématique que ce soit ce genre de modèle de relation qui soit dominant dans les romances. Nao est une jeune fille soumise à l’extrême, ce qui en soit, n’est pas un problème si elle le choisi, mais elle est surtout complètement dépendante d’Uehara à un niveau de sacrifice assez alarmant : elle n’est pas capable de s’amuser en vacances quand il n’est pas là, elle lui prépare à manger quand il rentre du travail sans un seul merci en retour, comme ils jouent au chat et à la souris, elle supporte les insultes, considère sa relation amoureuse comme plus importante que ses études, et se soucie du bonheur de celui qu’elle aime plus que du sien. Uehara agit à l’inverse. Froid, distant, inexpressif, il laisse Nao être un petit chien qui secoue la queue en le voyant rentrer du travail, lui donne de petites tapes sur la tête (littéralement) de temps en temps, et voilà tout ce qu’il donne dans leur relation. Le problème n’est pas tellement que ce schéma de relation soit sexiste, car il est probable qu’en inversant les genres, la relation soit tout aussi dérangeante. Non, en fait, ce qui me dérange, c’est de dire que consacrer tout son temps libre, tout son esprit et sacrifier son bonheur personnel pour quelqu’un qu’on aime est une bonne manière de fonder une relation saine. L’amour n’est pas un prétexte aux abus, et surtout, la relation qu’on a avec soi-même devrait être la plus importante de toutes les relations. Idéaliser une relation fondée sur des déséquilibres flagrants et sur le sacrifice de soi, pour des jeunes de 17 ans, je trouve ça vraiment pas terrible. Alors j’ai bien conscience que ce genre de schéma est extrêmement populaire et Good Morning Call est loin d’être la seule fiction à en faire l’apologie. Mais je ne pouvais pas faire une critique de ce drama sans exprimer cette opinion qui m’a fait ressentir un profond malaise. J'attends le jour où un drama de romance pourra m’émouvoir, tout en me montrant une relation saine et équilibrée, qui sera basée sur davantage qu’un rapport de force putacier. Ce jour n’est pas encore arrivé, mais si Netflix propose de nouveaux dramas, j’espère qu’ils pourront répondre à cette attente, fruit de l’évolution morale d’une Eika-15-ans-fan-de-drama, qui a assurément bien grandi.
Après avoir rédigé toutes ces idées de manière très chaotique, je me rend compte que le visionnage de Good Morning Call fut globalement très mitigé. J’ai passé un bon moment, mais je n’arrive pas à savoir si c’est à cause des relents de mon addiction aux dramas ou si c’est grâce à de réelles qualités narratives. Objectivement je dirais que les défauts sont nombreux : le jeu d’acteur, le côté cheap, le manque de développement en dehors de l’intrigue principale, et la morale très discutable. Mais le fait de trouver Good Morning Call sur une plateforme internationale et pluri-générationnelle comme Netflix place le drama dans un contexte inhabituel. Ordinairement créés pour être diffusés sur des chaînes japonaises et se destinant à un public féminin plutôt adolescent, les dramas de romance usent de formules très récurrentes qui reposent sur des mécanismes assez simples ; Des stéréotypes de personnages : l’héroïne maladroite mais obstinée, le love-interest froid qui dissimule ses émotions et ses fêlures, le troisième côté nécessaire au triangle amoureux, “good guy”, ami d’enfance de préférence, et représentant de la légendaire friendzone… Des stéréotypes d’intrigue également, qui découlent directement de ces portraits pré-conçus : L’héroïne commence par détester le personnage masculin, puis apprend petit à petit par l’apprécier lorsqu’ils se rapprochent, séduite par sa personnalité enfouie, leur amour est mis à l’épreuve par une tierce personne, etc. etc.
Même l’esthétique aux effluves de manga, en plus d’être typique des productions japonaises (que j’apprécie par ailleurs ingénument), se destine majoritairement à un public féminin potentiellement féru de shôjo et d’autres dramas de ce style. Je peux imaginer sans difficulté, puisque c’était quelque part mon cas aussi, qu’une fan de drama choisi de regarder Good Morning Call parce qu’elle souhaite y retrouver ce qui fait le charme d’un drama : la mise en scène si particulière de la romance, des personnages archétypaux auxquels on peut facilement et rapidement s’identifier, des décors qui manquent de réalisme mais qui débordent d’une fraîcheur naïve, le premier baiser auquel on s’attend, mais que l’on attend, du rire devant la comédie, mais aussi un rire franc de second degré qui procure le même plaisir.
Accéder à une telle production sur Netflix, c’est quelque part le risque de sortir le drama de son contexte très particulier à la base, et de le détacher du public initial auquel il est destiné. Aussi le remettre dans les conditions de création de son genre propre permet de prendre de la distance, et peut-être même de se dire que mon expérience de visionnage était peut être exactement celle souhaitée par les créateurs de Good Morning Call, puisque j’y ai trouvé exactement les éléments que je pensais trouver.
Ma critique reste donc très tiède au final, et si vous vous intéressez aux dramas, je serais plutôt tentée de vous rediriger vers Hana Yori Dango ou Hanazakari no Kimitachi e (les versions japonaises) qui sont des bons classiques du genre, et selon moi des valeurs sûres. Et n’oubliez pas, faites attention quand vous louez un appartement, histoire de ne pas vous retrouver dans une relation foireuse avec un beau gosse qui ne sait pas jouer la comédie (et vérifiez que les fenêtres ne soient pas en carton).