Dès les premiers épisodes d'Entre Elle et Lui j’ai su que je devais écrire un article dessus : pourquoi ? Tout simplement car malgré que cet animé soit une gigantesque mine d’or de contenu, on en parle pas assez (voir pas du tout), je voulais donc remédier à ça. Il y a beaucoup de choses à dire mais commençons par le commencement : Entre Elle et Lui, Kareshi Kanojo no Jijou ou encore Kare Kano est à l’origine un manga de 21 tomes de Masami Tsuda. Je vais ici vous parler non pas du manga mais de son adaptation animée par le studio Gainax. L’animé a été réalisé par Kazuya Tsurumaki et Hideaki Anno, celui-là même qui, quelques années plus tôt, avait réalisé le légendaire Neon Genesis Evangelion. En grand fan de la série, il est inutile de préciser que je m’attendais à un truc qui déboîte (et j’ai pas été déçu). Entre Elle et Lui est vieux, sorti en 1998 au Japon, il fait partie des animés qui constituent l’âge d’or de Gainax. Ce dernier possède donc le charme de cette belle époque ! Car oui c’est bien de charme dont on va parler et même plus que ça, d’amour !
Le concept de base est assez simple : il est répété à de nombreuses reprises au cours de l’animé à peu près comme ça : « En pleine période de crise économique, le Japon est plongé dans “une ambiance de fin de siècle”. Dans un lycée de Tokyo, Miyasawa Yukino est une jeune fille qui cache sa personnalité extravertie derrière des airs d’élève modèle ; elle fait alors la rencontre d’Arima Sochiro, un élève lui aussi très populaire. Ce jeune homme va changer sa vie ! Toutefois...!. ». Retenez bien ces quelques phrases de début d’épisode car elles résument parfaitement l’idée de base d'Entre Elle et Lui, à savoir décrire la vie deux lycéens un peu spéciaux. Au cours de l’histoire, Arima et Yukino vont apprendre à se connaître, à appréhender de nouveaux sentiments (no spoil) puis se faire des amis. On se retrouve donc rapidement avec une petite troupe de fanfarons bien sympathiques qui ne manqueront pas de nous faire rire. Une comédie romantique assez classique en somme. Toutefois…!
Notre troupe de fanfarons au grand complet
Contrairement à beaucoup de comédies romantiques qui se concentrent sur du comique de situation à base de petites culottes, ici, Hideaki Anno centre son récit sur l’amour. Il le fait sans détour et aborde le sujet de front. On part d’une situation très simple : deux lycéens qui n’ont jamais vraiment connu l’amour. Cela permet de mettre en scène les sentiments à l'état brut ; oui oui, souvenez vous lorsque vous étiez jeune est insouciant(e) (wait, c’est peut-être encore le cas !). Ajoutez à cela que nos deux personnages principaux sont ultra sensibles et vous avez le cocktail parfait pour pouvoir aborder correctement le sujet ! Même si cette abondance de sentiments est dérangeante au premier abord, cela permet de comprendre plus aisément ce que les personnages ressentent, et c’est bien ce que Hideaki Anno a voulu accomplir : nous montrer leurs émotions mais surtout comment se manifeste leur amour !
Car oui, l’amour (et toutes ses facettes) est le sujet principal d'Entre Elle et Lui. Anno analyse les sentiments qu’il engendre et les situations difficiles qui en découlent dans la vie quotidienne d’un lycéen. L’animé parle aussi bien de l’amour au sein du couple Yukino-Arima que d’amour filial (oui, filial) ; la famille y prenant une place importante. Les circonstances qui amènent aux problèmes de cœur sont souvent très simples, parfois futiles, mais aussi criantes de vérité. Elles ont le ton juste qui nous touche et qui vont parfois jusqu’à nous faire réfléchir sur notre propre situation. Les contextes simples sont souvent les plus communs, et donc ceux auxquels vous avez pu vous-même être confronté, ce qui leur donne d’autant plus d’impact.
Bien que cela puisse paraître un peu lourd, il n’en n’est rien, car dans Entre Elle et Lui tout est traité avec humour et légèreté, et ça fait du bien, car l’amour est un sujet qui en a besoin. C’est une des choses que j’ai beaucoup appréciées dans cet animé ; on ne perd jamais de vue que les personnages sont des lycéens. Aussi dramatiques que les situations puissent être, ce sont des lycéens qui y sont confrontés et donc avant tout des adolescents. La façon dont ils vont y faire face est toujours enfantine : simple, insouciante, souvent drôle. Ce qu’on retient au final d’Entre Elle et Lui, c’est son ambiance générale : très légère, à l’image des années lycée (bah ouais c’est une comédie quand même).
Je tiens quand même à mettre l’accent sur le fait que bien que l’animé soit comique, il n’en est pas moins extrêmement touchant. Il en est de même pour notre troupe de fanfarons : simples et drôles aux premiers abords, on découvre petit à petit leurs différentes facettes, et pour l’un d’eux un aspect plus sombre de sa personnalité (no spoil)… C’est cette profondeur des personnages qui va permettre à l’œuvre de créer un véritable lien entre nous et eux. On nous donne la sensation de bien les connaître.
Tout au long des épisodes, on joue justement beaucoup avec cet attachement aux personnages. Grâce aux liens forts que l’on tisse avec eux, l’animé peut nous toucher parfois par des scènes extrêmement simples. Des actions anodines -comme par exemple Yukino et Arima qui se tiennent la main- prennent soudain énormément de sens et nous arrachent facilement « la petite larme ». Il faut le voir pour comprendre ; c’est beaucoup trop puissant pour pouvoir être décrit ! Mais retenez que la puissance émotionnelle qui se dégage de certaines scènes est immense tant l’attachement pour les personnages est fort. On atteint pas encore le niveau d’Aria (manga et animé de Kozue Amano) qui pouvait me faire chialer sans rien faire mais on s’en approche. Là où Entre Elle et Lui fait très fort c’est que ses séquences émotions sont toujours empreintes d’une grande subtilité. On est bien loin du drame français qui fait pleurer dans les chaumières : on a toujours le niveau de profondeur qui nous permet de comprendre les enjeux mais jamais trop, c’est toujours bien dosé, on obtient donc un combo parfait : délicat, beau et émouvant !
Toute cette émotion passe aussi bien entendu par les dessins. Graphiquement Entre Elle et Lui respire la production Gainax. C’est beau et soigné mais c’est surtout très audacieux. L’animé prend énormément de partis pris artistiques un peu partout.
Au niveau de la mise en scène, on a des plans assez proches de ce que l’on peut trouver dans Evangelion, avec beaucoup d’images d’emphases sur le décor. On a par exemple des plans sur les alarmes incendies, les salles de classe vides, les couloirs... Ce sont des plans simples mais qui nous immergent dans l’univers du lycée.
Ces plans retranscrivent aussi un désir des réalisateurs de créer une symbolique visuelle forte. Je m’explique, chaque plan, chaque cadre n’est jamais laissé au hasard et est toujours là pour retranscrire une idée ou une émotion.
Dans le cas précis du panneau de sortie ci-dessous, l’animé cherche à dégager un message particulier : il représente à la fois le mouvement des personnages et oriente le spectateur sur la symbolique de l'échappatoire présente tout au long de l’épisode. Plutôt qu’expliquer cela frontalement à l’aide d’une action ou d’un dialogue, la mise en scène le suggère à l’aide de la symbolique, rien n’a besoin d’être dit, tout est visuel !
C’est avec ce genre de mise ne scène qu’Entre Elle et Lui révèle tout son art et arrive à développer une symbolique visuelle qui le rend si compréhensible aux yeux du spectateur. Les plans sont tellement bien conçus que même sans les dialogues, on peut comprendre ce qui se passe et le message qu'on veut nous transmettre.
(À droite) La puissance de la symbolique de l'image en action (ça se passe de commentaire non ?)
La symbolique des plans fixe et quelque chose qu’on pouvait déjà retrouver dans Neon Genesis Evangelion, cepandant là où Entre Elle et Lui va beaucoup plus loin c’est dans la composition de ses cadres. Nos deux réalisateurs n’ont pas perdu de vue qu’Entre Elle et Lui est à l’origine un manga, et ne manquent pas d’exploiter cet aspect pour composer leurs cadres. Il n’est pas rare que l’image soit décomposée en plusieurs sous-cases : un plan large sur deux personnages qui discutent et par-dessus des cases avec des plans plus serrés sur le visage des personnages montrant leurs émotions. Ce procédé est repris à de nombreuses reprises sous plusieurs formes. Le plus courant est d’avoir la réaction soudaine d’un personnage dans une case par-dessus l’image principale (avec évidemment le petit bruitage qui va bien). Cette astuce apporte beaucoup d’originalité à la mise en scène et permet de montrer plus de choses qu’avec un simple plan fixe. D’ailleurs le parti pris va parfois encore plus loin : il arrive que l’animé passe totalement en style manga ; il se transforme pendant un bref instant en une lecture de manga interactive. On ne perd pas en dynamisme car les cases sont animées, et le fait que les dialogues soient doublés apportent un vrai plus à la compréhension car bien souvent les dialogues doublés par les acteurs ne sont pas exactement les mêmes que ceux des bulles, et les cases du manga contiennent des annotations supplémentaires sur le déroulement de l’action. Cela rajoute une couche d’information supplémentaire et crée un effet de foisonnement . C’est un procédé qui est aussi utilisé dans la série des Monogatari, qui affiche des sortes de panneaux informatif durant les dialogues. Cela peut être déroutant au début mais ajoute au final un niveau de compréhension différent au déroulement de l’action. On peut aussi avoir des choses un peu plus subtiles comme l’incrustation d’une case de manga au sein d’une mise en scène animée. Les libertés offertes par cette technique sont immenses et sont très bien exploitées tout au long de la série.(À gauche) Une idée de mise en scène avec deux cadres superposés déclinés sous plusieurs formes au cours de l'animé
(À droite) Une mise en scène manga typique
On peut voir la mise en scène de Entre Elle et Lui comme un hybride entre manga et animé, exploitant avec brio les avantages des deux médias : la composition des cadres du manga ainsi que le dynamisme et le jeu d’acteur des doublages des animés.
Si vous avez vu la série FLCL (2000) vous aurez sûrement rapidement fait le lien ; elle possède exactement le même type de mise en scène. Et pour cause, c’est aussi une série (un OAV pour être exact) de Gainax, réalisée par Kazuya Tsurumaki, second réalisateur sur Entre Elle et Lui (l’homme derrière les épisodes 14, 15, 19, 24 et 25). On peut dire en quelque sorte que les scènes en style manga dans Entre Elle et Lui sont le balbutiement de ce qui est fait dans FLCL. C’est bien moins dynamique mais ça n’en est pas moins original. Le lien avec cette autre série ne s’arrête pas là. On peut aussi faire le rapprochement dans le style des dessins. Les deux séries utilisent un procédé qui consiste à changer la forme des personnages pour pouvoir montrer leur émotions. Les visages sont déformés, disproportionnés, parfois même métaphoriques. C’est toujours très drôle à voir même si encore une fois cela ne va pas aussi loin dans Entre Elle et Lui que dans FLCL.
Exemple de visage métaphorique
« Avant-gardiste pour un animé de 1998 ! », me direz-vous ? Mais attendez ce n’est pas tout ! Le style manga ce n’est rien ! La réalisation va encore bien plus loin. Même si l’effet précédemment cité est le concept qu’on retrouve majoritairement tout au long de l’animé, il y a encore plein d’autres idées mises en place : l’épisode 25 (mon épisode préféré) s’inspire d’une mise en scène de polar, l’applique à l’animé et à l’univers de Entre Elle et Lui pour en faire quelque chose d’unique, à la fois effrayant, léger et drôle ! Dans cet épisode, les sœurs de Yukino vont mener l’enquête sur un stalker assez mystérieux. Bien que les enjeux soient futiles, la mise en scène est tellement léchée qu’on ressent une véritable tension tout au long de l’intrigue. Certaines scènes de cet épisode ne sont d'ailleurs pas sans rappeler quelque chose de très similaire dans FLCL.
L'épisode 25 de Entre Elle et Lui à gauche et l'épisode 4 de FLCL à droite
Dans l’épisode 19, on se détache encore plus du style manga ou même animé, Kazuya Tsurumaki - le réalisateur de cet épisode - créé quelque chose de nouveau : un mélange entre des prises de vue réelles pour les décors, et des collages pour les personnages. Alors ouais, ça peut paraître étrange dit comme ça, mais en réalité cela donne quelque chose de vraiment neuf et différent de tout ce qu’on a pu voir jusque là et le plus étonnant : ça colle hyper bien au reste de l’animé. Bien que ce style soit totalement nouveau et ne sorte de nulle part, il s’inscrit malgré tout, parfaitement dans l’univers. Cette mise en scène est au final très bien exploitée et permet à Tsurumaki de faire des choses jusqu’alors impossibles : il change les proportions des personnages, joue avec les formes, les couleurs, les textures et se permet même une petite référence à Evangelion. Le style papier permet d’accentuer encore plus le dynamisme de la série.
Cet épisode contient aussi quelques images réelles durant les cinq premières minutes et pour certains arrière-plans. Cela fonctionne très bien et contribue à rendre cet épisode unique. On retrouve des prises de vues réelles dans d’autres épisodes, notamment dans les derniers où ils permettent de faire une mise en contexte de la série. Ces images possèdent une esthétique propres à Tsurumaki et à Anno (difficile de faire la différence ici) à laquelle je suis particulièrement attaché. C’est exactement le même type de procédé qu’ils avaient utilisé dans The End of Evangelion (oh tiens encore une co-réalisation de Anno et Tsurumaki). Ce sont toujours des plans d’illustration très représentatifs de l’univers et empreints d’une grande poésie.
L’exemple le plus notable d’utilisation de caméra se trouve dans les endings. Ces génériques font probablement partie de mes préférés, tous animés confondus. Le procédé est pourtant très simple : une caméra se balade dans un lycée (probablement celui qui a été utilisé comme modèle pour l’animé) en faisant un travelling : elle passe des salles de cours aux couloirs. Il en existe plusieurs variantes en fonction des épisodes. Bien que simples ces endings sont impressionnants : le fait d’utiliser des prises de vues réelles pour les génériques est très audacieux. Il y avait un risque que cela jure avec le reste de l’animé au point de paraître totalement en décalage avec celui-ci mais il n’en est rien : ces endings sont totalement cohérents avec l’univers ; l’animé se centre sur la vie de lycéens dans un lycée, des images d’un lycée font donc sens ! Le fait d’avoir des endings en prise de vues réelles m’a vachement dérouté et au final ce sentiment d'originalité ne m’a jamais quitté, je l’adore toujours autant ! Dommage qu’on repasse sur des endings plus classiques sur la fin. Bon et vous vous en doutez bien, le thème de fin, « Into the Dream » vient sublimer le tout. Cette musique est totalement à l’image du reste de l’animé : à la fois légère et charmante. La conception est extrêmement simple mais suffisamment entraînante pour que ça prenne. On a une sorte de dialogue entre le chant et la guitare, qui se répondent l’un après l’autre. Le rythme est entraînant, on a des bons riffs de guitare et le thème est génial, bref c’est super cool.
Petit aperçu visuel des endings ici et auditif ici.
La beauté visuelle de certains plans laisse parfois sans voix
L'ending est loin d’être le seul thème cool. En effet, toutes les musiques de Entre Elle et Lui sont une réussite artistique. Je pense que l’OST est un des grands éléments qui m’a fait adorer cet animé. Si on devait résumer la bande originale en un seul mot ce serait « richesse ». Richesse dans les styles, mais surtout dans les compositions. Pour ce qui est des styles on a principalement des musiques orchestrales, du jazz et du J-Rock/J-Pop. Comme je vous l’ai dit précédemment, Entre Elle et Lui est un animé qui aborde beaucoup de thématiques, et souvent de façon subtile. Pour arriver à cet objectif, la musique joue un rôle primordial : elle doit permettre de faire comprendre les enjeux d’une scène. Et force est de constater que c’est un pari totalement réussi. Et pour cause, le compositeur, Shiro Sagisu (déjà compositeur sur Evangelion) n’a pas lésiné sur les moyens. Il utilise un orchestre complet et l’OST est décomposé de 4 albums (et un drama CD mais osef) d’environ 25 pistes chacun pour un total d’environ 100 musiques (avec beaucoup de variantes de mêmes thèmes)... Oui oui, on parle bien d’un animé de 26 épisodes ! Comme je vous le disais, c’est riche ! Par exemple, Yukino possède à elle seule 6 thèmes, qui pour certains comportent des sous versions ! Ça fait beaucoup mais c’est aussi pour ça que l’animé fonctionne si bien. Pour pouvoir retranscrire la complexité de la personnalité de Yukino, 6 thèmes étaient nécessaires et chacun d’eux permet de retranscrire ses sentiments à un instant précis. Cependant c’est valable pour tous les autres thèmes ; ils existent en plusieurs versions pour retranscrire avec précision les émotions à un moment en particulier. Énormément de soin a été apporté à cet OST et bien souvent c’est lui qui permet de soutenir toute la réalisation. Les musiques soutiennent l'absurdité des scènes comiques, elles savent se faire légères quand il le faut, elles retranscrivent les sentiments complexes des personnages lors de leurs remises en question et elles permettent aux scènes émouvantes de nous faire frissonner (en faisant crier les violons bien entendu).
Le reste de la bande son est aussi d’une qualité remarquable ; les bruitages sont toujours très bien exploités et donnent leur piquant aux scènes comiques. Les doublages quand à eux sont réellement au-dessus du lot et vous allez vite comprendre pourquoi. Le doublage de Yukino, bien qu’étrange au début est en fait totalement cohérent car le personnage joue lui-même un rôle. Il est donc normal que le cela paraisse surjoué au début. Cependant, une fois entré dans le personnage, la doubleuse (Atsuko Enomoto) le transcende ; son jeu d’acteur est incroyable. Elle passe d’une facette à l’autre de la personnalité de Yukino dans le plus grand des calmes, malgré que cela demande souvent un jeu d’acteur diamétralement opposé : notre jeune lycéenne peut passer d’une fille très discrète et posée à une véritable furie super active. Les autres doubleurs sont eux aussi excellents. Mention spéciale aux sœurs de Yukino, Tsukino et Kano doublées respectivement par Yuki Watanabe et Maria Yamamoto pour qui c’était la toute première expérience de doublage. Malgré leur jeune âge au moment du tournage, elles s’en sortent très bien (notamment dans l’épisode 25) et on ne manquera pas de les mettre en avant. En effet, à chaque fin d’épisode elles font l’annonce du prochain, le tout filmé directement dans le studio d’enregistrement.
Yuki Watanabe et Maria Yamamoto annonçant le prochain épisode
Ce qui ressort des doublages de Entre Elle et Lui est une grande complicité entre les acteurs. On a le sentiment qu’ils sont une sorte de grande famille Gainax. C’est le genre de chose qu’on remarque en regardant l’animé mais dont on se rend véritablement compte en écoutant les commentaires des doubleurs (bonus DVD). On apprend par exemple que le doubleur du père de Yukino était tellement bon que les autres doubleurs eux-mêmes ont été bluffés de sa performance ou que Anno invitait tous les acteurs à boire une bière dans un bar après chaque tournages. De la même façon, on se rend compte que les doubleuses des amies de Yukino sont en fait des fans du studio. On les sent donc honorées de participer au projet et de rejoindre la famille Gainax. De ce sentiment de complicité naît donc un doublage unique qui permet aux scènes comiques de prendre tout leur sens. La bonne ambiance des tournages se ressent dans les doublages et permet aux acteurs de se transcender et de fournir un doublage hors-norme. Cependant cela ne suffit pas rendre l’animé parfait.
Malgré toute les qualités évoquées précédemment, l’animé a énormément de défauts, il est d’ailleurs considéré par certains comme un très mauvais animé, mais nous y reviendrons.
Le plus gros défaut d’Entre Elle et Lui (et peut être bien son seul vrai défaut) est selon moi sa perte de rythme en milieu de saison. Lors des premiers épisodes, l’animé démarre sur les chapeaux de roues, les scènes s'enchaînent très rapidement, tout va extrêmement vite et l’histoire aussi : tout est fait pour accrocher le spectateur, ce qui fait qu’on arrive très rapidement à une situation stable (vers l’épisode 5). On est alors tellement subjugué par le rythme des premiers épisodes que cette soudaine stabilité est ressentie comme un coup de frein. Le rythme va cependant être maintenu mais décroît progressivement jusqu’au milieu de saison où s’opère un véritable trou. Le milieu de saison est équivalent à un trou noir dans la série, l'épisode qui précède est mauvais et les deux du milieu (14 et 15) sont en réalité un résumé de tous les épisodes qui précèdent. Oui, oui, le bon vieux résumé de milieu de saison comme Gainax sait le faire mais en 40 minutes ! Sachant que c’est loin d’être le premier résumé qui est fait. Plusieurs débuts d’épisodes résument tout ce qui c’est passé précédemment, que ce soit avant ou après ce trou d’ailleurs. Il faut savoir cette période de creux coïncide avec celle à laquelle Hideaki Anno quitta le projet pour le relayer à Kazuya Tsurumaki. On peut facilement en déduire que ce changement de réalisateur posa beaucoup de soucis au studio et l’obligea à gagner du temps. Après ce trou la série reprend progressivement son rythme en incluant de nouveaux personnages. Malheureusement la série n’arrivera pas à reprendre totalement du poil de la bête jusqu’à la fin et on se retrouve donc avec un final « incomplet ».
Exemple de prise de vue réelle
Pour en revenir au fait que Gainax a fait ce qu’il a pu avec ce qu’il avait ; c’est quelque chose qu’on retrouve tout au long de l’animé. Au fil des épisodes, on ressent que le budget est un problème mais je considère plutôt cela comme une qualité plus qu’un défaut. Gainax, malgré tous les problèmes qu’il a pu rencontrer, il a su trouver des solutions innovantes pour les résoudre et ce qu’on retient au final c’est que ça fonctionne. En dépit de tous les problèmes, à chaque épisode (sauf le trou mais on passera), l’animé sait rester dans le ton juste ; Gainax connaît si bien son univers qu’il le module à sa guise et arrive à en faire une œuvre originale et cohérente. Quand on prend en considération tous les efforts qui ont été faits, on ne peut être qu’admiratif du résultat et les nombreux défauts sont oubliables devant le travail accompli.
Le fait que je considère que cet animé fonctionne aussi bien n’est cependant pas anodin, c’est un animé taillé pour moi. Je ne peux m’empêcher de faire la comparaison avec Evangelion. Je perçois Entre Elle et Lui comme l'Evangelion de la romance, un savant mélange entre profondeur et légèreté.
Là où Evangelion se concentre sur le traumatisme et la souffrance, Entre Elle et Lui fait presque l’inverse, il aborde l’amour et le bonheur. Je considérais déjà Evangelion comme un animé parlant de beaucoup de choses mais je pensais que Hideaki Anno avait déjà dit tout ce qu’il avait à dire avec une œuvre aussi complète ! Pourtant ça n’est pas le cas car il aborde quelque chose dont on parle peu dans Evangelion : l’amour. Tout comme il analyse le traumatisme et les différentes formes qu’il peut prendre dans Evangelion : perte de la mère, rejet du père, perte d’un être cher, souffrance physique et psychologique ; il procède de la même façon dans Entre Elle et Lui en étudiant tout ce qui lié à l’amour : les différentes formes qu’il peut prendre, le regard des autres, le bonheur, la famille.
Entre Elle et Lui est dénué de toute la lourdeur d’Evangelion. Les actes que les enfants accomplissent ne sont pas empreints de lourdes conséquences ; au contraire on est dans une situation où l’enfant est confronté à lui même et non pas au monde des adultes. Malgré tout on n’en perd pas le message, le contenu est là, seule l’approche est différente. Voilà pourquoi je pense que cet animé conviendra à ceux qui étaient intéressés par les thématiques d’Evangelion mais qui ont été bloqués par sa lourdeur.
Les deux œuvres se complètent bien : là où Evangelion parle d’une famille décomposée où l’enfant est abandonné, Entre Elle et Lui parle à l’inverse d’une famille soudée où règne le bonheur (la famille de Yukino, les Miyzawas). Malgré des thèmes légers, Hideaki Anno arrive à nous toucher, ce qui montre qu’il peut avoir un propos aussi bien sur la souffrance que sur le bonheur.
La réaction de Yukino en lisant ce paragraphe
Bien qu’il soit moins connu, on se doit de considérer Entre Elle est Lui comme une œuvre culte de l’âge d’or du studio Gainax. En dépit de toutes les embûches qu’il a pu rencontrer (manque de budget, changement de réalisateur), Entre Elle et Lui a su se dresser comme un figure de proue de l’animation japonaise. Il pose les bases de la comédie romantique telle qu’on la connaît aujourd’hui et a permis l’expérimentation de nouvelles techniques d’animation qui permettront à Kazuya Tsurumaki de créer deux ans plus tard le cultissime FLCL. L’animé se permet d’aborder l’amour d’une façon jamais vue et innove en terme d’animation. Entre Elle et Lui peut se targuer d’être un animé avec des thématiques aussi profondes qu’Evangelion, des dessins soignés, une musique qui fait frissonner, une mise en scène au petits oignons et un doublage hors norme. Mais par-dessus tout Entre Elle et Lui est drôle : de part sa mise en scène, ses personnages et son univers, il a tout d’une comédie romantique qui fonctionne bien. Il s’impose alors comme un exemple à suivre pour toutes les séries du genre.
A18
Tellement d'accord avec toi. Je trouve que cet anime est très audacieux pour l'époque ! Et la fin j'avoue m'a déplu mais le producteur a quand même réussi à l'amener. Et ce n'était pas chose facile, vu le contexte..
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